L’aptitude à la séparation psychique se construit toute la vie
La psychanalyse permet de distinguer différents types de « dépressions »
Le premier type de dépression peut être qualifiée de « normale », car cette dépression, qui s’accompagne d’une tristesse temporaire, témoigne d’une capacité à supporter la séparation ; capacité nécessaire à l’achèvement de la maturation du psychisme.
Le deuxième type de dépression est pathologique; elle peut se manifester sous différentes formes. Il peut s’agir d’une dépression mentale, se manifestant principalement par des symptômes mentaux, ou d’une dépression masquée , se manifestant principalement par des symptômes somatiques.
Le sevrage alimentaire du début de la vie est une première étape de construction de l’aptitude à la perte – la perte de l’allaitement, du contact avec le sein maternel – . Cette aptitude à la perte se poursuit au moment de « l’angoisse du 8ème mois« , ressentie par l’enfant face à une personne inconnue. Cette angoisse passagère est une réaction normale à la perte – lorsqu’on parvient à la vivre.
L’aptitude à la « dépression normale » protège notre santé, mentale et physique
Ainsi, l’élaboration mentale de la perte, de la séparation, est une étape normale du développement humain. C’est pourquoi l’on peut parler de « dépression normale » au sens d’une capacité à traverser certains moments de vie difficiles sans tomber malade, physiquement ou psychiquement.
Les dépressions « pathologiques » sont une réaction anormale à la perte. La dépression masquée, appelée aussi somatique, ne ressemble pas à la dépression classique. Elle résulte d’un court-circuitage partiel de la pensée, d’une difficulté à intégrer psychiquement la séparation avec l’autre, le premier « autre » étant la mère qui nourrit et soigne. Elle se traduit principalement par des symptômes corporels.
Les dépressions « pathologiques » sont une tentative spontanée de guérison, une relance de la capacité à penser la séparation. La vie est indissociable du changement, et tout changement est sous-tendu par une « séparation », une perte de ce qui était connu antérieurement. La thérapie psychanalytique permet de relancer le processus de pensée en évitant au patient de subir une angoisse excessive.
Les psychotropes pris sur le long terme entretiennent le processus psychosomatique
Il faut savoir que la prise au long cours d’un traitement psychotrope fait obstacle à la réorganisation psychique permise par la psychothérapie psychanalytique. La médication contribue à faire « tomber dans l’oubli » les événements associés au déclenchement du symptôme, effaçant le sens et brouillant les pistes, tout en pérénnisant l’inscription psychosomatique, c’est à dire l’utilisation du corps au détriment de la pensée et des processus psychiques. Un symptôme remplacera un autre.
De plus, la prise habituelle de psychotropes remplace le lien à l’être humain par le recours au médicament utilisé comme une drogue. Ce remplacement peut être qualifié de pervers – c’est à dire qu’il chosifie le lien vivant à un être humain, qui est remplacé par le recours à une « substance ». Le patient se prive de sa capacité de transformer, à son rythme et à la mesure de ses possibilités, son symptôme en une nouvelle réserve d’énergie, de compréhension, de créativité et d’amour, pour réorganiser sa vie de manière autonome.
En conclusion, le médicament et le statut de « malade » qu’il procure, peuvent combler, à bas prix, la faille identitaire d’un patient.
C.Demange-Salvage
Psychologue clinicienne – Psychanalyste