Questions – Réponses : Thérapie analytique versus TCC

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questions réponses Glossodynie Mes réponses aux questions posées par un médecin dentiste :

Quel a été l’élément déclencheur qui vous a amené à privilégier la thérapie psychanalytique plutôt que d’autres thérapies telle que la TCC, plus connue ?

Psychanalyste et psychologue clinicienne, intéressée par la psychosomatique,  j’ai commencé à travailler sur ce symptôme à l’occasion de mon mémoire de maîtrise de psychologie clinique, en 1994, dans le service du Dr C. Husson à l’hôpital Tarnier. L’écoute analytique m’a permis de repérer chez les patients souffrant de glossodynie des  défenses psychiques  très primitives inhibant leur capacité à transformer  ce qui est du domaine physique en éléments psychiques. Normalement, le contact peau à peau (bouche/mamelon ou langue /orifice buccal, entre autres) se transforme en contact psychique  et émotionnel dès les premiers mois de la vie. Ce contact psychique se transforme  lui même un peu plus tard en échange verbal permettant l’existence de représentations psychiques.    

Vous précisez que la thérapie analytique traite la cause du « terrain dépressif », la TCC ne le fait-elle pas ?                                  

Le « terrain dépressif » correspond, selon la compréhension analytique,  à un inachèvement de la maturation psychique, c’est-à-dire la difficulté à surmonter psychiquement le vécu de perte primitive éprouvé par tout être humain dans les premiers temps de sa vie,  à savoir la perte du contact entre la bouche et le mamelon.  Cette perte peut être source d’une grande angoisse. L’angoisse de séparation, lorsqu’elle est ressentie au niveau de la bouche, concerne bien sûr la personne tout entière, mais chez les  patients souffrant de PBP, elle est circonscrite à la zone buccale. Selon mon expérience, ce n’est que par l’approche psychanalytique que la cause de cette angoisse peut être traitée.  Concernant la TCC,  je reçois régulièrement des patients qui, soit n’ont pas eu d’amélioration satisfaisante de leur symptôme suite à une TCC,  soit ont ressenti une amélioration pendant quelques mois ou années, avant de « rechuter ». J’en ai conclu que la cause n’avait pas été traitée par la TCC, alors que la thérapie analytique m’a permis d’obtenir des résultats durables.

Un patient peut-il bénéficier en alternance des deux techniques pour optimiser son rétablissement ou pensez vous que cela n’est pas nécessaire ou même contre-indiqué ?

Pourquoi pas… Les patients vont vers  les approches  les plus médiatisées. Le pouvoir des médias est un fait indiscutable aujourd’hui, à tel point que le grand public a tendance à confondre la « science » avec « ce qui est le plus diffusé  » par les médias. Les TCC sont des thérapies réputées rapides  et … remboursées par la sécurité sociale ; leur fonctionnement est facile à comprendre et l’on peut s’y former rapidement. Des intérêts collectifs ou individuels (obtention de financements publics , etc…) peuvent s’appuyer sur – ou bien renforcer- les défenses inconscientes des personnes vis-à-vis du processus thérapeutique analytique, qui nécessite un travail actif et une capacité de remise en question chez ceux qui s’y engagent. Dans mon expérience,  l’échec de la TCC a mené les patients vers la cure analytique avec profit. Je reçois  régulièrement des patients qui n’ont pas eu d’amélioration de leur symptôme avec une TCC, ou bien ont rechuté, ou bien après d’autres tentatives de traitements (hypnose, acupuncture, sophrologie, antidépresseurs…).

Existe-il un profil patient plus favorable à une prise en charge plutôt qu’une autre ?                                                                                   
Il est essentiel que le patient pressente une causalité psychique à son mal-être corporel, qu’il soit motivé et intéressé par la thérapie analytique basée sur l’analyse de ses rêves et de son discours.   La thérapie analytique est un « travail psychique accompagné » par l’analyste-thérapeute;  le patient est co-acteur de sa guérison. La thérapie analytique permet un changement profond. Ce changement demande au patient un apprentissage, de l’énergie et du temps. La capacité à ne plus utiliser le corps pour exprimer des conflits psychiques ou des angoisses  est à ce prix.                       

La prise en charge déontologique de ce symptôme, , favorable à tous les patients, me semble être de donner aux patients l’information la plus objective possible sur les thérapies  qui ont fait la preuve de leur efficacité, afin qu’ils s’orientent vers l’une ou l’autre. 

En cas d’échec d’une thérapie analytique, le patient peut-il se tourner vers la TCC et inversement ?

Pourquoi pas. Dans les agoraphobies et claustrophobies, le comportementalisme peut aider parfois en parallèle de l’analyse. Mais dans mon expérience, le patient qui a su se plier à un travail sur le fonctionnement de ses mécanismes psychiques, a développé la capacité de comprendre ce qui, pour lui, n’avait jamais pris sens. Le plus souvent, son changement de perspective ne le dirige pas vers les TCC.

Tous les psychologues sont-ils formés pour réaliser les deux types de thérapies ou les patients doivent-ils se tourner vers des spécialistes?     

Non. Il faut bien sûr se tourner vers des spécialistes.  Concernant le profil des psychanalystes compétents pour traiter ce symptôme, et traiter les patients d’une manière plus générale, il est fondamental que ces praticiens se soient soumis eux-mêmes à une analyse personnelle (freudienne et kleinienne) leur ayant permis de repérer et d’analyser leurs propres niveaux de fonctionnement primitifs. Ce n’est que sur la base de cette formation spécifique et approfondie que le titre de psychanalyste peut être décerné.  Ils doivent exercer  leur art conformément à la déontologie du métier, s’intéresser à la psychosomatique et savoir concilier approche scientifique et psychanalyse.

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